NELLY MITJA NOUS EMMENE A LA DECOUVERTE DU ROMAN GRAPHIQUE EN 5 POINTS

Si la bande dessinée a longtemps été malmenée et déconsidérée, le roman graphique semble lui avoir redonné ses lettres de noblesse et un nouveau public.



Aussi, Nelly Mitja nous propose aujourd’hui un petit aperçu en 5 points de ce genre nouveau qui fait partie intégrante de l’univers de la bande dessinée.



Pour se détendre un peu cet été, Nelly Mitja, passionnée de bandes dessinées, notamment de romans graphiques, nous propose de (re)découvrir l’Univers de la bande dessinée à travers une série de mini articles. Histoire de la BD, genres, quelques chiffres, p’tites bio et tops 10 sont au programme de ce petit focus sur le 9ème art. Cet été, c’est BD avec Nelly Mitja ! « 



01. Petite définition





Le « Graphic novel », plus connu en France sous le nom de « roman graphique », est le dernier né et le petit polisson de l’Univers de la bande dessinée qui n’a toujours pas trouvé sa définition. Aussi, bien qu’il soit devenu un genre à part entière, nous pourrions le définir comme étant un genre hybride, entre roman et bande dessinée, bien que ce qui le caractérise le plus, c’est qu’il échappe à toute contrainte.



02. Source et évolution





C’est avec Will Eisner, auteur de comics américain, que le roman graphique a vu le jour à la fin des années 1970 avec La trilogie du Bronx : Contract with God (1978), A Life Force (1988) et Dropsie Avenue (1995). Véritable petite chronique sociale, ces albums nous décrivent dans un style nouveau, avec humour et réalisme, le Bronx des années 30 (où l’auteur a passé une partie de son enfance) avec ses personnages hauts en couleurs qui ont contribué à construire l’identité de l’Amérique. En 1980, c’est au tour d’Art Spiegelman, auteur de bande dessinée et illustrateur américain, de s’extirper du monde du comics pour publier Maus, un récit autobiographique qui porte sur la transmission de la mémoire de la Shoah. S’en suivront des auteurs comme Joe Sacco avec Palestine (de 1993 à 1995), David B. avec L’Assenions du Haut Mal (de 1996 à 2003), Marjane Satrapi avec Persepolis (De 2000 à 2003), ou encore Guy Delisle avec Pyongyang (2003), pour ne citer qu’eux.



03. Caractéristiques





Alors le roman graphique c’est quoi dans le détail… parce que qui dit « soustrait de toute contrainte », suggère en toute logique une certaine liberté. En fait, le roman graphique demeure reconnaissable par certains aspects. Tout d’abord son format… il n’y en a pas de véritablement défini au final. L’agencement des bandes, des cases, ou encore la pagination n’obéissent qu’à l’assentiment et à la créativité de l’auteur. Idem pour la couleur, bien que le noir et blanc soit beaucoup plus plébiscité avec des graphismes particulièrement travaillés.  Le roman graphique se veut également plus ambitieux que la bande dessinée traditionnelle. Ainsi, ce sont les thématiques qui différencient très souvent, en plus du format, les romans graphiques de la bande dessinée classique, plus marquée par l’humour et la dérision. Les sujets abordés y sont plus sérieux (fictionnels ou non), plus personnels, plus sombres. Ils témoignent généralement d’expériences, de ressentis intimes ou encore d’événements historiques. C’est aussi pour cela que son lectorat est généralement plus adulte. Pour certains, le roman graphique est une manière de renouer avec la bande dessinée après que celle-ci ait été délaissée à l’adolescence faute de temps, faute de préoccupations plus importantes. Son approche est aussi plus littéraire avec un style plus narratif. A ce titre, certains diront que le roman graphique est plus « noble » que la bande dessinée, d’autres affirmeront que ce n’est pas de la BD. Quoi qu’il en soit, le roman graphique, c’est avant tout une manière de redécouvrir notre société, de nous redécouvrir nous, de (re)découvrir des pans entiers de l’Histoire sous un nouveau prisme.



04. Les tendances du roman graphique





Si nous osions nous aventurer sur le sujet (et nous allons nous y essayer en toute humilité), nous pourrions dire que le roman graphique laisse entrevoir plusieurs tendances. Nous retrouvons ainsi le roman graphique biographique qui retrace souvent le parcours ou une période particulière de la vie de personnalités qui ont marqué l’Histoire : Love in vain de Jean-Michel Dupont et Mezzo, Frantz Fanon de Frédéric Ciriez et Romain Lamy, Olympe de Gouges, Kiki de Montparnasse et Joséphine Baker de Catel & Bocquet… Le roman graphique autobiographique, qui relève pour sa part d’une véritable approche cathartique, se retrouve à travers des œuvres comme Persepolis de Marjane Satrapi, L’Ascension du Haut Mal de David B., L’Arabe du futur de Riad Sattouf, Le jeu des hirondelles, Mourir, partir, revenir de Zeina Abirached ou encore Darkroom, Mémoires en noirs et blancs de Lila Quintero Weaver et Famille nombreuse de Chadia Chaibi Loueslati. Il nous dévoile une partie de l’enfance de l’auteur, ses expériences, ses émotions, ses peurs et ses drames, aussi. Le roman graphique documentaire, de reportage, que nous pouvons également appeler BD journalisme, reflète également une des tendances fortes du genre. Joe Sacco, dont le principe est de « ne pas faire un livre objectif, mais un livre honnête » en est l’illustre représentant avec des œuvres comme Palestine, Gorazde, Payer la terre et bien d’autres encore. A la frontière entre autobiographie et reportage, nous pourrions également identifier le roman graphique témoignage, souvent marqué d’une empreinte journalistique. Ici, il s’agit surtout de témoigner d’un événement ou d’une époque, potentiellement vécu par un proche, ou vécu de l’extérieur par l’auteur. Si Persepolis ou encore L’Arabe du futur n’y sont pas assimilés, bien que ces albums nous transposent dans l’Histoire et en témoignent, c’est que le récit est avant tout focus sur le personnage principal qui est l’auteur lui-même. Aussi, ce sont plutôt des auteurs comme Will Eisner avec sa Trilogie du Bronx, Derf Backderf avec des albums comme Trashed, Kent State : Quatre morts dans l’Ohio, Étienne Davodeau et Les Mauvaises Gens, Art Spiegelman avec Maus ou encore Antonio Altarriba et Kim avec L’art de voler qui semblent le mieux représenter cette tendance. A ce titre, Will Eisner dira de lui : « Voyez-moi comme un témoin graphique qui représente la vie, la mort, les peines de cœur et les sempiternelles luttes pour s’en sortir… Ou à minima, survivre ». Le roman graphique peut également être l’occasion de revisiter des œuvres classiques comme dans Le procès : D’après l’œuvre de Franz Kafka de Chantal Montellier. Peut-être pouvons nous parler ici de roman graphique d’adaptation. A noter également l’apparition du roman graphique pédagogique avec des albums comme Economix : La première histoire de l’économie en BD signé par Michael Goodwin et Dan E. Burr ou encore La ligue des économistes extraordinaires de Benoist Simmat et Vincent Caut, qui nous aide à nous remémorer les cours d’éco du lycée… ou pas. Enfin, il y a le roman graphique fictif, qui laisse libre court à l’imagination de l’auteur comme le Tengu carré de David B., Habibi de Craig Thompson, ou encore Black Hole de Charles Burns. Vous l’aurez compris, le roman graphique, dernier né de l’Univers de la bande dessinée, est un genre à part entière qui ne s’interdit rien et se renouvelle au gré des auteurs.



05. Petit focus sur la maison d’édition l’Association





Fondée en 1990 par les auteurs Jean-Christophe Menu, Lewis Trondheim, Mattt Konture, Patrice Killoffer, Stanislas, David B. et Mokeït JeaLa, L’Association est une maison d’édition française qui doit son nom à son statut. Véritable référence dans le monde de la bande dessinée alternative francophone, L’Association se distingue par son originalité et la qualité de ses supports. Si elle privilégie le noir et blanc, elle se destine également à un public plus adulte avec des formats particulièrement originaux. A ce titre, nous pouvons citer parmi les collections les plus populaires, Ciboulette (format roman), Côtelette (format livre), ou encore Mimolette (Format récit dans un esprit comix). La collection Eperluettes présente probablement le format le plus classique de la maison. Elle a également grandement contribué à développer le travail de ses fondateurs ; David B. y publiera plusieurs ouvrages parmi lesquels son œuvre majeure, L’Ascension du Haut Mal (De 1996 à 2003). Nous y retrouverons également les personnages de Lapinot et Richard de Lewis Trondheim. Parmi les ouvrages publiés par Mattt Konture, nous pouvons citer Ivan Morve et Les Contures. Des auteurs comme Marjane Satrapi (Persepolis, Poulet aux Prunes, Broderies), Guy Delisle (Pyongyang, Shenzhen), Riad Sattouf (La vie secrète des jeunes), Joann Sfar (Noyé le poisson, Le Borgne Gauchet au centre de la terre) ou encore Julie Doucet (Changements d’adresses) et Debbie Deschsler (Daddy’s girl) y seront également publiés. Si la maison d’édition a connu quelques tumultes (départ de membres fondateurs), elle demeure l’une des références dans l’Univers de la bande dessinée, notamment dans le genre roman graphique. Elle a été sensiblement inspirée par la maison d’édition Futuropolis qui a toujours tâché de privilégier la création d’auteurs depuis son origine en 1974. Aussi, dans la lignée de L’Association, nous pouvons citer des maisons comme Cornélius ou encore les Requins Marteaux (1991).



Auteur : Nelly Mitja

Magazines Rennes